
Pour accéder à la vérité, il faut être en empathie avec l’enfant. Cela demande beaucoup de finesse et de connaissance en psychologie. Si l’enfant se sent bien écouté, avec bienveillance, il pourra dépasser sa honte et sa culpabilité pour trouver le courage des révélations.
Si l’enfant rétracte ses accusations au cours de la confrontation, l’affaire sera classée sans suite et l’enfant pourra subir des poursuites pénales pour dénonciation calomnieuse !
Après un classement sans suite, l’enfant peut tout de même saisir un magistrat pour expliquer qu’il n’a pu résister à la pression des enquêteurs. Il est important pour l’enfant (s’il n’est pas trop jeune) d’être auditionné par le magistrat instructeur pour que celui-ci prenne la mesure des abus que l’enfant a subis (même s’il y a déjà eu une audition initiale). Si l’enfant ne voit pas de juge, la loi n’a pas de sens pour lui et reste floue. C’est le juge qui doit expliquer à l’enfant qu’il y a eu transgression.
Les auditions d’enfant sont éprouvantes pour eux mais aussi pour le juge qui ne sont pas toujours formés à cela.
L’affaire d’Outreau a grandement porté préjudice à la prise en compte de la parole de l’enfant.
Les techniques d’auditions
Une audition d’enfant sera plus facile pour l’enfant si elle est faite en présence d’un avocat, surtout si c’est le sien (il pourra ainsi faire un compte rendu au parent).
La présence d’un médecin-conseil est possible (médecin expert qui évalue l’état de santé). La présence d’un pédopsychiatre est recommandée.
J’ai le droit de demander si la personne qui va interroger mon enfant connaît le protocole NICHD. Si ce n’est pas le cas, je peux demander à ce que l’audition soit faite ailleurs. Par exemple, je peux me faire rediriger vers une Brigade de Protection des Familles, si je n’y étais pas.
Les salles « mélanie »
Avec les salles « Mélanie » l’audition de l’enfant est enregistrée pour apprécier le comportement de l’enfant et lui éviter de multiples répétitions. Celles-ci sont installées soit au sein de structures hospitalières soit dans des commissariats de police ou des brigades de gendarmerie.
D’après Innocence en danger : « Ce dispositif permet aussi à un pédopsychiatre de se tenir dans une salle de contrôle près de la salle d’audition et de surveiller et interpréter le comportement de l’enfant. Cependant, il est à noter que très peu d’auditions sont réalisées en présence de tels experts ce qui est à déplorer puisque cela pourrait grandement aider à comprendre au mieux les différents comportements de l’enfant. »
Malheureusement, ces auditions qui sont longues ne sont pas visionnées pendant l’audience (sauf si l’avocat le demande) et cela prive le juge d’apprécier les « marqueurs de crédibilité ».
Le protocole NICHD
Ce protocole est utilisé dans les salles Mélanie, il est expliqué sur le site de l’ONPE mais également par Mireille Cyr, psychologue.
Ce protocole a été développé par Michael E. Lamb et ses collègues (1996, 2008) pour interviewer les enfants âgés entre 4 et 12 ans, que l’on soupçonne victimes d’agression sexuelle, d’autres formes de maltraitance (sévices, témoin de violence conjugale) ou qui a été témoin d’un crime.
En effet, l’objectif du protocole NICHD est de diminuer la suggestibilité des intervieweurs et d’adapter leurs questions en fonction des capacités des enfants et d’aider ceux-ci à fournir un récit plus riche et plus détaillé tout en étant exact. Ainsi, l’utilisation du protocole aide les intervieweurs à poser plus de questions ouvertes pour obtenir un maximum de détails de la part des enfants. En effet, les recherches ont démontré que les questions spécifiques ou fermées (est-ce que…) sont souvent mal utilisées ou mal comprises par les jeunes enfants rendant leurs réponses inexactes. Les questions ouvertes, qui visent la mémoire de rappel, sont reconnues pour donner plus de détails et surtout, des détails exacts.
L’utilisation du protocole a également un impact sur le processus judiciaire, des études ayant démontré que les entrevues NICHD sont plus facilement identifiées comme crédibles et mènent à davantage de mises en accusation.
SVA – Statement Validity Analysis
Selon cet article, l’analyse de crédibilité du discours d’un mineur est généralement réalisée à l’aide de l’outil d’analyse, la «Statement Validity Analysis» (SVA). Il consiste à investiguer les indicateurs de la validité de la déclaration tout en tenant compte de la manière dont la parole de l’enfant a été recueillie ainsi que du contexte du dévoilement.
Il est évident qu’un mauvais usage de l’outil discrédite la méthodologie. L’affaire juridique qui illustre le mieux cet aspect est celle dite «d’Outreau» dont le premier procès a eu lieu à Saint-Omer en 2004.
Protocole Calioppe
Ce projet est soutenu et importé du Canada par le comité Alexis Danan de Bretagne. Vous trouverez de plus amples informations en cliquant ici.
« Calioppe est un programme d’accompagnement de la parole de l’enfant, victime ou témoin, dans les procédures judiciaires afin de l’outiller pour faciliter son témoignage devant la justice. »
Ce projet est mis en place au Canada depuis plusieurs années. Il est destiné aux enfants abusés, maltraités, témoins de violences conjugales.
L’objectif est donc de former de la même manière tous les professionnels en lien avec l’enfant : pédopsychiatres, mandataires judiciaires, avocats pour enfant, magistrats, travailleurs sociaux…afin de rassurer l’enfant, de lui donner confiance en lui.